Saurez-vus reconnaître les 628 personnages en argent qui habitent la cathédrale de San Zeno, chapelle saint-Jacques ? Certains attendent votre visite depuis 1287.
Archives pour l'étiquette Toscane
Livourne, Mercato delle Vettovaglie
Mercato centrale
Plus de 250 stands, couvrant tout ce que l’Italie, pays de Cocagne, produit (ou presque). De l’exotisme aussi : féroce murène, fière tripière. Quelques cafés où se reposer de tant de merveilles, sous les caissons du plafond bois-acier, crème et vert.
Sauce pour la murène rôtie : Poivre, livèche, sariette, marc de safran oignon, pruneaux de Damas dénoyautés, vin, vin miellé, vinaigre, garum, defritum et huile ; faites cuire. Apicius, L’art culinaire, X, II, 1
Caffetteria Turandot, Lucques
Da’Vinattieri, Florence
Da’Vinattieri, le roi de la tripe
La tripe est une affaire sérieuse en Toscane, et en particulier à Florence, où les kiosques à lampredotto sont nombreux, géolocalisés et leurs mérites respectifs âprement discutés. On pourra s’initier à cette science en commençant par une introduction formelle mais il faudra bien sûr pratiquer sur le terrain, par exemple chez Da’Vinattieri, où il sera possible de suivre l’expérimentation in vivo, depuis la découpe en fines tranches de la caillette, son assaisonnement avec sauce verte et/ou piment, jusqu’à l’assemblage final du sandwich, dont la partie supérieure est trempée dans le bouillon de cuisson.
Ce chaud en-cas sera alors rapidement englouti afin de profiter de son onctueuse humidité. Attention, le risque de se saloper intégralement la vêture n’est pas négligeable.
♥♥ / €
Via Santa Margherita 4R
50122 Firenze
www.davinattieri.it/
Sienne
Visages
Palio 2015
Pise, piazza dei miracoli
Visages (et gueules)
De Viareggio à Vada
L’art des bagni
Rouler : une journée
Manger : à la plage
Depuis Montaigne, on sait que prendre les eaux en Toscane est souverain pour de nombreuses affections. Car ici, thermalisme et industrie des bains sont des affaires sérieuses, hautement professionnalisées. Mais le curiste pourra imiter son illustre devancier et conjuguer l’utile et l’agréable :
On vit ici à très bon marché. La livre de veau, très-bon & très tendre, coûte environ trois fois de France. Il y a beaucoup de truites, mais de petite espece … Je donnai après dîner un bal de Païsannes, & j’y dansai moi-même pour ne pas paroître trop réservé.
Depuis 1581, le veau a bien renchéri mais les Toscans n’ont pas cessé de cultiver leurs bords de mer selon un tropisme singulier.
Viareggio
L’aménagement des 10 km de plage de Viareggio renvoie ceux de la Côte d’Azur à l’enfance de l’art du bagni. Chapeau bas, chers cousins !
Laissez derrière soi Viareggio, sa passeggiata et sa litanie de plages privées, ainsi que le souvenir de Shelley, et viser plein sud, vers la marina di Torre de Laggo. Ici aussi, on se placera sur la plage tantôt bien alignés, tantôt en toute liberté, selon l’humeur.
Poursuivre vers la marina di Vecchiano, où le fiume Serchio forme un estuaire presque sauvage, tout au moins non carrossé. Mais l’autochtone n’aimant pas marcher, la Vespa a ici muté en barque motorisée.
Livourne
Après une visite intéressée au marché de Livourne, se diriger vers la passeggiata locale, qui se nomme terrazza Mascagni et déploie son damier jusqu’aux Bagni Pancaldi.
Les bains Pancaldi ont bâti leur infrastructure en 1924, mais le site hébergeait des activités balnéaires depuis 1840, certes avec une ambition moindre. Les amateurs de baignade urbaine trouveront là leur Graal, sous la forme d’un kaléidoscope de terrasses, passerelles, piscines et cabines. Il est cependant autorisé de se baigner en mer.
Quitter Livourne au sud, par la via Aurelia. La côte, plus escarpée, complique l’activité des logisticiens du bain, mais le génie italien fait des merveilles (en matière de parking et d’architecture balnéaire).
Castiglioncello
À Castlioncello, charmante station balnéaire, la civilisation reprend sa juste domination sur le chaos originel : on trouvera aisément plage privée à sa tong. Les bagni Salvadori, par exemple, affiche des arguments de poids : piscine « naturelle », toboggans et pédalos, restaurant de plage familial.
Ici, la signora Salvadori sort du four pizze et schiacciatine à la volée et la cuisine des plats de poisson et de fruits de mer plutôt bien troussés.
Vada
On quittera à regret le spectacle toujours renouvelé des bani Salvadori pour partir à la recherche d’une plage naturelle. Dans cette catégorie, Vada s’impose. Long ruban de sable, la spiagge bianche est en effet libre de tout aménagement. Néanmoins, le monde moderne se rappellera à vous sous la forme de marchands ambulants équipés de micro-tanks et de ghetto-blasters.
L’arrière-plan pittoresque ne manquera pas d’éveiller votre curiosité. Non, il ne s’agit pas d’une centrale nucléaire : depuis 1914, une banale usine chimique Solvay aura produit des montagnes de carbonate de calcium (d’où la couleur et le toponyme) et d’autres éléments plus agressifs, faisant de cette plage une des plus polluées d’Italie. Mais qui se plaindrait des reflets iridescents de cette mer au mercure ?
Homme 1 / Nature 0
La rocca della Verruca
A l’assaut d’une forteresse de l’an mille
Marcher : 4 h / facile / + 450 m
Manger : à la trattoria di Montemagno
Fatigué par la foule de la piazza dei Miracoli ? Aucune inclination pour la tour de Pise ? Prenez de la hauteur avec une excursion dans les Monts Pisans ! A 15 km de Pise, bataillez contre les Florentins dans la forteresse de la Verruca, ruminez votre défaite en faisant retraite à la Chartreuse de Pise, méditez sur la course des saisons dans les champs d’oliviers de Montemagno.
Laissez les chevaux en bas du village et montez la rue principale, juste assez large pour le passage de deux gens de cheval, quatre gens de pied ou une Fiat 500. Sur une placette, la Trattoria di Montemagno, qui récompensera votre journée de combat (ou de méditation, selon les tempéraments). Le chemin de randonnée (n° 139) surplombe Montemagno et son cirque naturel, dévoilant de grandioses perspectives sur les possessions de la République de Pise.
On prendra garde à ne pas s’égarer dans le massif forestier et à éviter les embuscades guelfes en consultant une source autorisée : Rete Escursionistica Toscana.
La Verruca (verrue) est bientôt visible sur son piton rocheux. Après une petite grimpette, une tour d’angle émerge de la végétation et l’entrée dans la forteresse se fait par une porte peu défendue, qui aura vu défiler moultes bannières au fil du long calcio Pise-Florence (1404-1503), ainsi que quelques VIP.
♦ Petites leçons d’histoire :
1, 2
♦ Machiavel en action :
1, 2, 3
♦ Léonard de Vinci s’en mêle : 1, 2, 3
♦ Charles VIII attaque ! (voir p. 42 et suiv.)
À l’intérieur, bouches à feu, archères, remparts, bastions, salles et couloirs souterraines. La forteresse étant un site réputé (et visible de fort loin), vous aurez tout loisir de jouer aux guerres d’Italie avec randonneurs et vététistes de nationalités variées.
De la tour ouest, prenez le temps d’admirer le coucher de soleil sur la vallée de l’Arno et sur Pise. Les gros lecteurs auront pris soin d’emmener avec eux un ouvrage d’un contemporain des guerres entre Gibelins et Guelfes sur la conduite des affaires militaires, ou dans un tout autre registre, une comédie de Machiavel écrite en 1520, brillant et amer exercice d’autofiction recyclant les événements tragiques passés jusque dans les toponymes cités dans le récit :
Ligurio. Ce qui vous intrigue le plus, c’est
ce que vous m’avez dit d’abord, car vous n’avez
pas coutume de perdre de vue le clocher de
votre village.
Nicia. Tu ne sais ce que tu dis : quand j’étais
plus jeune, j’étais un coureur fieffé; il ne se
faisait pas une foire à Prato sans que je n’y allasse;
il n’y a pas un château aux environs que je n’aie
visité; et je te dirai bien plus : j’ai été à Pise et
à Livourne, moi qui te parle.
Ligurio. Vous avez donc vu la Carrucola de Pise ?
Nicia. Tu veux dire la Verrucola ?
Ligurio. Ah! oui, la Verrucola. Et à Livourne,
avez-vous vu la mer?
Et par temps clair, de la Verruca, on voit la mer.
Lors du retour vers Montemagno, admirez les quinze cellules-appartements des moines chartreux de la Certosa di Pisa, chacune dotée d’un jardin arboré et d’un atelier de menuisier (on regrettera l’absence de cuisine). Pour les mollets ambitieux, le sentier 319 poursuit vers le château de Caprona, qui faisait partie du système défensif pisan.
L’heure tourne, le soleil dore les foins des champs d’oliviers : il est temps de revenir au présent et à ses joies.
Trattoria di Montemagno
Un rêve de trattoria
La Trattoria di Montemagno est cachée dans un village des Monts Pisans, au bout d’une route qui à force de rétrécir s’arrête tout à fait. Elle n’est référencée dans aucun guide. Son chef est une chef. On y mange une cuisine de haute saveur pour 15 euros. Comment est-ce possible ?
On est en Italie, les gars !
En Italie, derrière les fourneaux, ils ont aussi des Michel-Ange (Massimo Bottura) et des Savonarole (le siège du mouvement slow food est à 30 km). Mais il est commun de trouver au restaurant une cuisine de ménage, rurale, familiale, traditionnelle, bonhomme, de bonne femme. (Trouver sans chercher.) Une cuisine qui a été balayée, de ce côté-ci des Alpes, par la prise de pouvoir des hommes, d’Escoffier à Gault&Millau, et par notre maladie nationale, le raffinement. Nous n’avons plus d’artisans et trop d’artistes, notre climat ne produisant que des chefs aspirant aux *** ou des clients Metro. On aimerait pourtant que puissent exister dans le même espace-temps Pierre Passard et signora Daniella (les noms sont fictifs).
Bref, à la trattoria di Montemagno, vous ne trouverez pas de plats d’auteur. Zéro créativité ! Aucun produit d’exception. Juste de la pasta bien saucée, des légumes même pas anciens bien traités et quelques spécialités locales. Les plats que votre grand-mère italienne vous mitonnait pendant vos étés en Toscane, bande de veinards !
Soit, pour être moins théorique :
- farfalle con triglia e limone : aux rougets et citron. Du velours, à prendre en primo puis en secondo !
- trenette al pesto avvantaggiate : au pesto, pommes de terre et haricots verts. Plutôt pour les travailleurs de force.
- zupetta di polpo e totani : entre la soupe et le ragout de poulpes et calmars, sauce tomate et pain mouillé. Une spécialité de la côte livournaise.
- bracioline fritte in salsa : côtelettes à la sauce tomate. Pas la même sauce tomate que celle de la zupetta hein ! Du concentré de tomates, sans trop d’acidité, enrobant le gras d’une fine côtelette de porc…
- et aussi du lapin aux olives, une caponata d’exception, des courgettes à la menthe.
Bon, côté dessert, Conticini n’est pas à la manœuvre (eh oui, le blogueur est contradictoire), mais la maison se défend bien :
- pêche rôtie au four et crème, avec son verre de vin de noix
- pana cotta à la menthe
- semi-freddo chocolat ou fruits des bois
- cantuccini et son verre de vin doux (aleatico)
Accueil tout en douceur, service tout en efficacité. La clientèle, essentiellement italienne, apprécie des deux mains l’axe programmatique de la maison et les plats défilent comme à la parade. L’été, on dîne sur la piazza. On prendrait bien demi-pension, si ce n’était le vin de la maison, vraiment éprouvant et sans alternative (pas de carte des vins). Dit Daniella, la prochaine fois, on pourra venir avec notre bouteille ?
Alors ? Venir plusieurs fois pour goûter toute la carte. Le Pisan ayant un palais pointu, la trattoria est connue et visitée : il faut réserver.
♥♥♥ / €
Trattoria di Montemagno
Montemagno di Calci, Pisa